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Nous vivons une époque où le désaccord semble de moins en moins toléré. Là où le débat d’idées devrait être un lieu de réflexion et d’enrichissement mutuel, il devient souvent un champ de bataille où chacun se campe sur ses positions, prêt à frapper plus qu’à écouter…
- La déshumanisation -
Être en désaccord est naturel. C’est même le moteur du progrès : si personne ne conteste rien, les sociétés stagnent. Mais un phénomène inquiétant se développe : au lieu de critiquer les idées, on attaque les personnes. On les réduit à une étiquette — « l’ennemi », « l’oppresseur », « le monstre », « le nouvel Adolf Hitler », « le complotiste » — et dès lors, toute nuance disparaît. On ne voit plus un être humain, mais un symbole à abattre.
C’est là que commence la déshumanisation : dès que l’autre n’est plus perçu comme une personne, tout devient permis — l’insulte, le harcèlement, le boycott, la mise au ban… voire la jubilation face à sa souffrance, sa chute, sa défaite ou à sa disparition.
Cette logique ne libère pas… elle soumet. Elle impose un climat de peur où chacun doit se conformer sous peine d’être à son tour sacrifié.
- La « cancel culture » -
La « cancel culture » est souvent présentée comme une forme de justice sociale : retirer la tribune/plateforme, la visibilité ou la crédibilité de quelqu’un qui aurait dit ou fait quelque chose qui ne cadre pas avec nos idées.
Dans certains cas, elle met en lumière des comportements toxiques ou criminels, et cherche à protéger les victimes. Mais trop souvent, elle devient un tribunal populaire sans procédure, sans juge, ni jury, où la foule décide en temps réel qui doit être exclu. Les faits ne sont pas toujours vérifiés, le contexte est ignoré, le déni face à la réalité voire aux faits concrets bat son plein. Et la possibilité de rédemption est presque inexistante.
Cela ne construit pas une société plus juste… Cela installe une tyrannie insidieuse où la foule fait la loi, au mépris du dialogue et de la raison. Nous n’avançons plus : nous régressons vers des pratiques de mise à l’index qui rappellent les heures les plus sombres de l’histoire.
Exemple : un humoriste sort un sketch mal compris. Un extrait de 20 secondes, sorti du contexte, circule en boucle sur les réseaux… et sa carrière s’effondre en quelques heures. Même après explications, il n’a plus droit à la parole.
- L’immédiateté -
Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène. Tout va vite, trop vite. On réagit à chaud, on partage avant de vérifier, on like avant de réfléchir. Et cette immédiateté crée un climat où il vaut mieux se taire que risquer de dire quelque chose qui pourrait être mal interprété. C’est une forme d’autocensure qui appauvrit le débat public.
Peu à peu, nous renonçons à notre liberté de parole pour éviter le risque. Et en acceptant ce chantage, nous redevenons une meute d’animaux sauvages, agissant par instinct, poussés par la peur ou la colère, plutôt que par la réflexion et la raison.
Exemple : un utilisateur publie une opinion maladroite. En quelques heures, il reçoit des milliers de messages d’insultes et de menaces de mort. La peur de devenir la cible suivante pousse d’autres à ne plus rien dire, même sur des sujets importants qui appel à la réflexion et à l’échange d’idées.
- Retrouver l’humanité --
Il est urgent de se rappeler que derrière chaque publication, social post, tweet, vidéo, article, il y a un être humain. Un être humain qui peut se tromper, qui peut évoluer, qui mérite d’être entendu même si nous ne sommes pas d’accord avec son opinion et ses positions, mais pas annihilé pour son existence.
Nous avons besoin d’une culture du dialogue, pas de la meute. Nous avons besoin de désaccords respectueux, d’espace pour l’erreur et la rédemption. Nous avons besoin d’apprendre à passer notre chemin quand quelque chose nous choque, plutôt que de chercher à détruire, et si vraiment cela incite à la haine ou à la violence de le dénoncer.
- Pour une culture du dialogue -
Conclusions
La haine et la déshumanisation ne nous rapprochent pas de la justice, elles nous en éloignent. La « cancel culture » peut parfois éclairer des zones d’ombre, mais utilisée sans nuance, elle devient un outil de vengeance plutôt qu’un levier de progrès.
Si nous voulons construire un monde plus juste, cela passe par la réhabilitation de l’empathie et du sens commun. Par le refus de se réjouir de la souffrance de l’autre, même de ceux avec qui nous sommes en profond désaccord. Par le courage de dire : « Je ne suis pas d’accord avec toi, mais je te reconnais comme un être humain. »
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